Il y a quelques années, quand les deux bons mois de vacances se terminaient, on savait tous que la rentrée approchait. Pour beaucoup, la seule chose qui pouvait nous réjouir à cette idée, c’était de retrouver les copains et surtout les récréations et ses intenses parties de foot. Oui, celles qui débutaient toujours par un bon gros « chou-fleur ». Attachez bien votre banane Waikiki, n’oubliez pas vos POGs et votre Tamagotchi, je vous emmène en voyage au théâtre des rêves de notre enfance: la cour de récréation.

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Je me souviens avoir commencé ma carrière de footballeur de récré en CE1 après mon échec dans celle des billes m’ayant fait rapidement sombrer dans les petites brics de jus d’orange. En même temps quand tu arrives le matin avec un sachet tout neuf de 35 billes et qu’il te reste plus rien à la fin de la journée, tu comprends certainement mieux pourquoi.

« oh petit frère, viens jouer, il nous manque un joueur »

Au royaume de la récré, le foot était un sport pour les grands de CM1 et CM2, et ils n’avaient pas pour habitude de dénicher les talents dans les classes inférieures. Heureusement j’avais deux grands frères. Alors quand l’un d’eux s’est tourné vers moi en me disant « Oh petit frère, viens jouer,  il nous manque un joueur », j’ai entendu: « Vas-y gamin, c’est ton heure de gloire, c’est maintenant ou jamais, montre à tous ces grands ce que tu vaux sur le bitume ». À cet instant, j’avais l’impression que le sort de tous les « les petits » reposait sur mes pieds. Peut-être que si je marquais un but on autoriserait les autres mioches de CE1 à jouer avec ceux de CM2.

« Putain Florent, avant d’apprendre à jouer au diabolo commence par apprendre à faire tes lacets ».

Une fois les cages installées avec quatre vestes de gamins de CP et après avoir gueulé sur l’équipe adverse parce que leur cage était bien plus petite que la nôtre, le foot était lancé. Je peux vous dire que je ne faisais pas le fier face à tous ces grands. J’avais déjà tapé le ballon deux-trois fois avec mes frères sur le rond-point et contre le mur du quartier mais là j’avais comme l’impression de jouer une finale de Coupe du Monde. Face à ces armoires à glaces, j’ai rapidement compris que je devais prendre avantage de ma petite taille. Alors je me faufilais un peu partout à travers la cour, j’esquivais avec classe et un peu de talent, les élastiques des filles, les marelles dont je ne comprendrais jamais l’intérêt, les joueurs de cartes, de ballon prisonnier, les Djodjos au sol et autres YOYO lumineux… Mais ce jour-là, comme si le Dieu tout-puissant de la récréation n’avait pas voulu de ma rapide ascension, en plein dribble et après avoir mis un petit-pont parfait sur Corentin, j’avais pris en pleine poire le diabolo de Florent stoppant sur le champ mon seul et unique raid solitaire de la partie. Le mec osa en plus me lancer un « désolé j’ai pas fait exprès », sur quoi il me semble avoir répondu « putain Florent, avant d’apprendre à jouer au diabolo commence par apprendre à faire tes lacets ». Oui j’avais un peu de répartie en CE1 mais elle semble tout de même s’être bien améliorée en vous racontant cette histoire.

Ce Florent, je l’ai maudit un bon moment parce qu’en plus de m’avoir envoyé à l’infirmerie, il avait freiné le lancement fracassant de ma carrière. Je me vengeai une semaine plus tard en lui foutant « sans faire exprès » un chewing-gum dans les cheveux. C’était la dure loi de la cour d’école ! Malheureusement, il avait fini par se plaindre et mes parents avaient été convoqués. En plus de cela, deux-trois jours avant, mon grand frère avait déjà balancé son diabolo sur le toit, au milieu de tous les ballons abandonnés.

Il avait envoyé un boulard en pleine lucarne et en plein dans sa tête

Après avoir purgé ma suspension de quelques jours de récréation, j’avais pu à nouveau fouler le bitume. En ces temps-là, on avait en plus la chance de jouer avec un véritable ballon en cuir mais on savait qu’à tout moment, si quelqu’un touchait la tête des filles courant derrière les buts, on était bon pour se faire confisquer le ballon. Mais croyez-moi, on avait bien autre chose à penser au moment de frapper. Alors bien évidemment, lorsque Amélie traversa derrière le but sans regarder, elle ne risquait pas de voir Tristan armer son tir du Tigre. Il avait envoyé un boulard en pleine lucarne et en plein dans sa tête. La pauvre avait chuté comme une crêpe au sol. Cet épisode marqua à jamais la fin du cuir dans mon école. Nous devions à présent nous contenter du célèbre ballon en mousse.

Avec ce nouveau ballon, on entrait dans une nouvelle ère, celle du « démerde toi avec ce que t’as ». Ainsi, il nous arrivait de jouer avec un ballon où il manquait un tiers de sa face, de marcher dessus en plein dribble, sans parler des jours de pluie où la balle en mousse devenait presque aussi dangereuse qu’un ballon en cuir. Mon visage et mes lunettes s’en souviennent encore !

« Elle est beaucoup trop haute » « T’es malade toi il a pas sauté ! »

L’autre souci de jouer au foot dans une cour de récréation était bien évidemment les buts et déjà les lourds débats que l’absence de poteaux engendrait : « elle est beaucoup trop haute », « t’es malade toi il a pas sauté », « mais t’as vu comme il est petit », « rien à foutre, il a qu’à manger de la soupe »… On finissait tout de même par se mettre rapidement d’accord car chaque minute était comptée à la récré. Alors, quand un mec envoyait le ballon en dehors de la cour on se tournait tous vers lui en lui disant: « allez, t’as gagné un voyage! ».

Aaah on était pas très âgé en primaire mais c’était pourtant lors de ces premières parties de foot que j’avais l’impression que ma vie prenait du sens. Car si en plus de rentrer en classe tout transpirant, j’avais perdu, j’étais bon pour passer une sacrée journée de merde. Et ce n’était pas en écoutant les histoires de la maitresse sur des poilus faisant la guerre avec des masques à gaz que j’aurais été consolé. Il me fallait une revanche et vite ! Heureusement les matchs se succédaient et chaque jour d’école était l’occasion d’en découdre. Alors ni la transpiration, ni les trous sur mes pantalons et la boue sur mes nouvelles grolles m’auraient fait un instant reculer.

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