L’autr’ jour, je matais un vieux Strasbourg-Montpellier à la téloche. Littéralement vautré sur la canap’, complètement ivre de bonne heure, j’me suis demandé si il était possible d’aller au stade sans être bourré et de supporter certaines équipes et certains matchs comme cette merde là, complètement à jeun. Sans une binche dans le pif, sans un shot dans le gozier. J’ai alors commencé à réfléchir à la dernière fois où je m’étais pointé dans un stade sans un pète de jeu, sans une seule mèche collée à mon front, sans une seule tâche de pinard sur mon tich, sans une seule teub dessinée sur les joues. Bref, totalement vierge de tout soupçon, la braguette fermée, les pompes quasi propres et les yeux d’une vivacité à faire sursauter un phoque de sa banquise. J’ai évidemment été bien incapable d’me rappeler d’un mois et encore moins d’une année. 

Peut-on vraiment aller au stade sans être bourré ?

On se demande encore lequel des deux a fini sa bière en premier.

Mon dernier souvenir remontait à un moment bien particulier d’mon enfance. J’étais avec mon vieux et il m’avait amené pour la toute première fois au stade. On avait dû y aller sacrément tôt parce que je me souviens d’être resté plus longtemps à l’extérieur du stade qu’à l’intérieur. L’daron voulait certainement m’inculquer dès mon plus jeune âge les bonnes valeurs du supporter. Il avait ce jour-là rendez-vous avec des amis à la buvette. Il avait surtout rendez-vous avec l’ivresse. Quelques heures et quinzaine de rôteuses plus tard, je compris que je pouvais m’foutre l’coup d’envoi sous le pif et que ce serait certainement ma mère qu’il allait encore devoir sortir d’son plumard pour venir récupérer mon poivrot de père à la fin du match. Arrivé à l’intérieur du stade avec un bon quart d’heure d’retard, je m’étais installé à mon siège et j’avais compris très vite que le spectacle ne se trouvait pas sur le terrain mais derrières les buts. Je n’avais plus quitté des yeux les tribunes. J’étais scotché par tant de ferveur, de bruit, de mouvement et de couleurs. Je me souviens avoir dit ce jour-là à mon père que j’savais à présent c’que je voulais faire plus tard: être au beau milieu de tout c’bordel.

À lire aussi:
Pénible: ce pote qui tape sur ta bière pour la faire mousser.

10 ans plus tard, j’étais devenu aussi débile que mon père, en plus jeune, plus con et bien plus fou. Mais en un peu moins beauf. J’avais fini, comme je le rêvais plus jeune, à être au milieu de tout c’bordel. A 16-17 ans, je faisais tous mes avant match sur le banc d’un terrain vague, sur le gazon d’un city stade, sur un trottoir ou dans un tramway. Ou s’enfilait les packs, les flashs et les mélanges whisky coke. On jouait au caps, au PMU avec des cartes, on fumait nos premières clopes et tirait sur nos premiers joints. On était des oufs dans nos têtes avec notre brevet des collèges en poche. On était jeunes et insouciants, et c’étaient sans doute mes plus belles années. Arrivé à 30 ans, je faisais calmement le bilan. Je devais m’être pinté le nez dans 78 villes différentes et j’avais gerbé dans au moins une 10aine d’entres-elles. Parfois simplement pour donner à manger aux poissons ou à l’asphalte en cortège. D’autre fois directement dans le bus ou dans les tribunes. J’avais montré 300 fois mon cul aux visiteurs, fait 1450 fucks et autres signes pas très catholiques. J’avais pissé 1500 litres de binouzes dans 78 stades différents et été refusé d’entrée 5 fois par les stadiers. J’évite de parler d’la fois où je me suis endormi sur les chiottes d’une aire d’autoroute en dép, car, contrairement à la porte en bois, j’en ai aucun souvenir. Avec les années évidemment je me suis assagi mais aujourd’hui, même à 50 ballais, me pointer dans un stade en m’étant torché uniquement à la menthe à l’eau serait une insulte à mon paternel. Mon football à moi est un football buvette, un football d’apéro. Et où qu’il se prenne ce sont ces moments entres potos, en famille qui alimentent cette passion que j’ai pour le foot. Et si l’effet de la Kro se fait bien moins ressentir qu’à l’âge de mes 16 piges, aujourd’hui encore, quand je mets un pas sur la première marche des travées d’un stade, j’suis ivre ou complètement ivre.

Parce que ouais.. Être torché devant un match c’est croire à l’impensable. Espérer une égalisation dans les arrêts de jeu alors qu’ton équipe n’a pas dépassé le milieu de terrain. C’est faire impasse sur tous les défauts d’son équipe et ne voir que le positif. Etre bourré devant un match c’est regarder sans crainte un coup-franc de l’équipe adverse à la 90ème, c’est chanter jusqu’à en perdre la voix, sauter jusqu’à faire une crise de tachycardie, c’est inventer des chants à la gloire du maillot floqué juste devant toi (une petite pensée à « Nono 50 » si il passe par là). Être bleu devant un match, c’est mieux accepter la défaite et mieux apprécier la victoire. C’est devenir un énorme beauf et n’en avoir rien à cirer ou encore chanter et klaxonner jusqu’à 2h du mat’ dans les rues en en ayant rien à foutre des gens qui bossent tôt le lendemain. 

Parce que le football est une fête et que le stade est ta boite de nuit. Vive le football et vive la fête !

Nanard.

Laisser un commentaire