Tout commence sur une cours de récréation nichée entre la Loire et l’Erdre. Nous sommes à l’aube des années 2000 et le football débarque dans ma vie d’enfant de primaire comme un ballon qui te fouette le visage un soir d’hiver : en pleine face. À cette époque, la grande équipe de France sort de son doublé Coupe du monde Coupe d’Europe, et les supporters de ma ville ont fraîchement envahi une Beaujoire chavirante de bonheur. On a gagné notre 8ème titre de champion de France. Le football est roi, de toutes les récréations, les albums Panini sont les manuels scolaires que nous nous conférons.

 

Le foot en club

On en aura couru des kilomètres, balle au pied ou sans, la plupart du temps. À éviter des coupelles puis à les ramasser. Revenir de l’entrainement, crevé mais souriant, comme un guerrier, les genoux éclatés. Parce qu’entre le « stabil » et le « synthé », le terrain ne faisait pas vraiment de cadeau, pauvres genoux. Les souvenirs qui me reviennent de cette époque sont ponctués de premières mi-temps avec Thierry Gilardi sur TF1, bien moins que de deuxièmes, il fallait bien dormir pour l’école ou le match du lendemain. Le rendez-vous au parking à l’aube pour partir au tournoi, un froid de canard quand il faut troquer son jogging pour un short, « c’est con t’as oublié ton sous-short maintenant tu te pelles les miches ». Ces odeurs : la friture des steaks-frites et des américains, l’herbe fraîche de la rosée du matin. Ces bruits : les pneus des bagnoles qui roulent sur le parking de gravier miné de flaques, la voix qui sature sur les enceintes pour annoncer ton match dans 5 minutes, alors que toi tu fais encore le con avec tes potes à courir après le ballon et boire des cocas. Ces magnifiques années nous ont fait grandir en équipe, avec une certaine idée de la fraternité que je retrouverai quelques années plus tard au coeur d’un virage.

Ma découverte du monde des tribunes se fera par bribes au gré des années, et surtout des matchs partagés avec famille et amis. Certains m’auront marqué plus que d’autres, parmi lesquels deux matchs qui, avec du recul, ont largement contribué à ma passion pour les tribunes étant gamin.

 

PSG vs Monaco : Finale de la coupe de France
1er mai 2010

Après des semaines d’attente, l’excitation est grandissante, le train m’emmène à la capitale. Ce soir, je découvre pour la première fois le Stade de France à l’occasion de la finale de la coupe de France. Arrive alors cette procession humaine, qui nous emmène jusqu’au métro et la fameuse ligne 13 parisienne. On sent dans les regards de ces hommes, femmes, enfants, une fierté, que je comprendrai bien des années plus tard. Cette fierté, c’est celle de représenter. Celle de choisir un poids, celui d’une vie, sa ville, son club dans tout ce qu’il a à nous offrir à vivre. J’ai senti ce jour-là le poids de l’enjeu, l’exaltation, l’ébullition grandissante à mesure que l’arrêt de métro se rapproche.
« Saint-Denis Porte de Paris » nous arrivons. Cet arrêt est bien particulier, large, immense, la foule s’accule vers la sortie. On aperçoit alors, au bout des escaliers, un bout de ciel. Un mec entonne alors quelques paroles indescriptibles, aussitôt reprises par des dizaines d’autres types. Des voix puissantes, à l’unisson, qui font vibrer la poitrine et resserrer le coeur. Les ultras du PSG sont bien là. Sans le savoir, ce doux soir de mai, j’assiste là à une des dernières messes des ultras du PSG, avant la mise en place du Plan Leproux.

 

Lyon vs Marseille : Ligue 1
8 mai 2011

Les matchs du grand Lyon auront rythmé mon enfance, ce club qui réussit alors que mes canaris rôtissent en deuxième division depuis bien trop longtemps. J’ai découvert un nouvelle fois un soir de mai, la passion, cette fois si de l’intérieur. À cette époque à Gerland, le grand Lyon jouait son Olympico dans une ambiance de feu, indescriptible passion qui m’a gagné ce soir-là. Jonché tout en haut du virage nord, on entendait ces corps vibrer sous nos pieds, en inférieur, ces voix pousser leurs joueurs comme je ne l’avais jamais vu auparavant. Le stade aura chaviré de bonheur à trois reprises ce soir-là, au terme d’un match passionnant sur le terrain comme en tribune.

 

 

Tribune Loire, photographie et RedStar

Une bande de pote et plein de motivation avec moi, j’ai redécouvert la plus belle tribune de ma ville en 2013. Ça faisait des années que je fréquentais le stade, voir quelques matchs chaque année, mais on ne va pas se mentir le jeu à la nantaise était bel et bien révolu. La révélation se fait, pile au moment où tu te rends compte que pour toi la plus belle manière de contribuer à ce que tu aimes, c’est d’aller vibrer avec des milliers d’autres types comme toi. Une putain de chorale, avec finalement très peu d’enfants de choeur, mais pleins de gens remplis d’amour pour leur ville. Faire partie de ça, s’y retrouver, attendre le week-end comme jamais, quelle sensation… La première montée des marches, l’excitation puissante, puis ce regard plongeant sur la Tribune Loire qui se prépare, révise ses gammes, prêt à hisser haut les voiles et faire porter sa voix, je ne l’oublierai jamais. La Beaujoire reste et restera notre stade pour le restant de nos jours, celui de nos victoires comme nos désillusions, on ne le lâchera jamais. Une vie de tribune implique rapidement des déplacements, ultime plaisir de parcourir les routes pour se retrouver entre ultras passionnés, pour un club, pour notre club. L’excitation est alors différente, si puissante qu’elle justifie des sacrifices qui valent largement la peine.

Viendra progressivement la photographie et rapidement cette envie de témoigner de ce monde qui gêne souvent. Photographier depuis les bords de terrain pour moi, c’est cette étrange posture d’entendre les tribunes, d’y jeter un regard envieux tout en voulant en témoigner au mieux de l’extérieur. Le temps faisant, j’ai découvert le Red Star FC derrière mon objectif, une certaine idée du football populaire qui me rappelle chaque fois là d’où je viens : transmettre en tribune comme par l’image.

Ce que j’ai appris c’est que le football transcende, que les tribunes respirent au rythme du jeu, que le spectacle y est aussi beau que sur le terrain. Le filet qui tremble n’est que plus beau avec l’odeur d’un fumigène et le bruit de drapeau qui claque au coeur d’un virage rugissant. Le football m’aura aussi appris l’histoire, les paroles des anciens parlant du grand Nantes de Saupin. Toutes ces histoires m’auront plus que jamais donné envie de vivre et témoigner des suivantes.

 

 

Cyprien Nicoleau
Instagram: @cyprien_nc
http://cyprien-nicoleau.fr/

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