Jeudi 30 mai, au lieu de glandouiller sur mon canapé, j’étais allé à Lens, au pays des chtimis et des voitures sans permis, dans ce bassin minier si cher à Bachelet. Le Racing Club de Lens affrontait les Dijonnais dans une course à la Liguain des plus folles. Alors j’ai eu envie d’aller enfin découvrir cette ville et surtout cette ferveur si propre aux supporters des Sang et Or. Et même si je n’avais pas réussi à me procurer de billet, j’étais heureux d’y aller juste pour me pointer devant les baraques à frites et les vendeurs de fricadelle, juste pour sentir cette ville qui vit au rythme du football. J’avais envie de me rayer la barrette à grand coup de cannettes, de chanter les corons avec ces enfants de mineurs de fond. Mais aussi fou que cela puisse paraître, tout c’est mieux passé que prévu, et en plus de vivre un avant match des plus incroyables, j’ai finalement eu la chance d’assister à la rencontre. Allez viens biloute, j’t’emmène en voyage au pays des ch’tis.

 

Fiers de Lens | Lens v Dijon

 

Un grand welsh avant
d’aller au charbon

Il est à peine midi quand nous arrivons à la Gare de Lens, l’air bien décidé à passer une belle et grande journée dans cette ville où je n’avais jamais encore foutu les pieds. À peine sorti du dur, les terrils jumeaux du 11/19 visibles au loin et les magnifiques mosaïques murales dans la gare donnent le ton et nous rappellent le passé historique minier de la ville. Son ancien dynamisme industriel se lit jusque dans l’aspect même de la gare. Construite en 1927, pour remplacer l’ancienne détruite lors d’la première guerre mondiale, cette gare Art-Déco en béton armé représente une locomotive dont la tour évoque la cheminée et les deux portes rondes de la façade, les roues.

Rapidement nous tombons devant le fameux bar La Loco où nous regarderons très certainement le match plus tard. Nous gagnons le centre ville en empruntant de longues rues qui se ressemblent toutes, formées de maisons mitoyennes en briques rouge reliées entre elles par des fils électriques. Ça transpire les mines, ça transpire Germinal. Difficile de ne pas avoir les paroles de Bachelet en tête. « Nos fenêtres donnaient sur des fenêtres semblables ». Et si beaucoup de commerces sont fermés aujourd’hui voire même définitivement, nous ne tardons pas à nous rendre compte que ce jour est bien particulier, placé sous le signe d’une grande fête populaire. À 13h, nous partons remettre un peu de charbon dans la machine. Direction Le Pain de la Bouche, un estaminet typique du Nord. On y déguste, dans une ambiance chaleureuse, des plats régionaux délicieux qui tiennent bien voir un peu trop au corps tels que la faluche gratinée, la carbonade flamande ou encore le fameux welsh, sur lequel je jette mon dévolu. Je dois vous avouer qu’après tout ça j’ai bien cru que j’allais déposer bilan. Que j’allais foutre mes savates et terminé bonsoir.

 

  • Fiers de Lens | Lens v Dijon

🍔 La Loco
105 rue Jean Letienne
62300 Lens

🍔 Le Pain de la Bouche
41 rue de la Gare
62300 Lens

 

Le Louvre,
fer de Lens !

Après un petit digeo à La Loco, nous nous dirigeons au Louvre-Lens, passage quelque peu obligé quand on se rend sur les terres de l’Artois tant il représente l’un des attraits les plus touristiques du comté. Ouvert le 4 décembre 2012, jour de la Sainte-Barbe, l’extension du musée du Louvre à Lens participe en effet activement au dynamisme et au rayonnement d’une région meurtrie par la première guerre mondiale puis l’arrêt de l’exploitation minière. Il a été construit sur le site de l’ancienne fosse n°9, un ancien carreau de mine qui a été exploité jusqu’en 1980 pour son charbon. Il est situé entre les terrils 11/19 de Loos-en-Gohelle et le stade Bollaert, au cœur d’un immense parc dans lequel je me serais bien posé un moment si je n’avais pas rendez-vous avec la ferveur et la bringue lensoise.

 

  • Fiers de Lens | Lens v Dijon

📍Le Louvre-lens
99 rue Paul Bert
62300 Lens

 

Première reconnaissance
des lieux

Sur les coups des 15h, nous nous lançons à la conquête de Bollaert en empruntant la belle Allée de Marc-Vivien Foé. Celle-ci mène directement au stade en longeant les tribunes Trannin, Marek et Delacourt. Quelle frustration de passer au pied de cet antre, d’apercevoir ses sièges et de se dire qu’on aura pas l’occasion de les fouler ce soir. Les friteries Sensas sont déjà au garde-à-vous, prêtent à dégainer casse-dalles et binouzes par milliers. On en profite pour faire un petit tour à la boutique officielle, prise d’assaut par des centaines de sympathisants Sang et Or venus peaufiner leur look pour l’occasion ou ramener quelques souvenirs de leur passage à Bollaert.

Il est temps d’aller poser nos affaires dans l’appartement que nous avons loué pour la nuit. On déambule dans les rues en suivant mon pauvre téléphone dont la batterie est prête à nous lâcher à tout moment. On passe devant de nombreux bars qui font déjà le plein, comme Chez Muriel, le rade qui porte le nom de celle qui le garde depuis 40 ans. Mais aussi Le Maquis, restaurant corse où les mordus du Racing viennent boire des coups avant de filer à Bollaert. Le nouveau propriétaire, Lensois d’adoption, a gardé l’enseigne « Le Bollaert » sur la façade, en souvenir de l’ancien établissement qui était le siège des supporters des Sang et Or.

 

  • Fiers de Lens | Lens v Dijon

🍻 Chez Muriel
17 rue Edouard Bollaert
62300 Lens

🍻 Le Maquis
2 route de Béthune
62300 Lens

 

« Venez, on va accueillir
le bus des joueurs »

Vers 17h et après avoir rechargé nos batteries, nous reprenons la direction du stade avec la volonté de commencer sérieusement à s’ambiancer. On traverse des lotissements où ça sent les saucisses-merguez dans tous les sens. Le parking du stade s’est bien rempli durant notre courte absence. Les coffres des voitures sont ouverts, les glacières sont de sorties et les premières bus arrivent, déposant des flottes de supporters plus ou moins avinés.

Quelques minutes plus tard, un grand cortège mené par les Red Tigers se pointe et annonce clairement l’ouverture officielle du bal. Tout le monde est invité à rentrer dans la danse pour aller du côté de la tribune Lepagnot, accueillir le bus des joueurs. Sur place, je découvre ces figures des tribunes lensoises, ces porteurs de drapeaux géants, à l’image de « Monsieur Georges » qui agite à chaque match son drapeau de douze mètres et quatorze kilos que sa mère avait mis trois ans à tisser. Le bus arrive enfin et disparait rapidement sous les épaisses fumées jaune et rouge. Des milliers d’Artésiens sont présents, chantent et tapent sur les vitres. C’est magnifique. La rue Paul Bert a comme des allures d’ascension de l’Alpe d’Huez.

 

  • Fiers de Lens | Lens v Dijon

 

Chauds comme
des baraques à frites

À deux heures du début du match, nous nous rendons à l’évidence : nous ne parviendrons pas à rentrer au stade ce soir. Nous décidons alors de profiter au maximum de l’ambiance et de noyer notre peine au Sensas du coin, à grands coups de pintasses. Et vu la queue à la baraque à frites de la Marek, je commence à m’inspirer des mecs devant moi qui commandent leur bière par 12 et s’insurgent de ceux qui leur font perdre du temps en bouffant avant d’aller au stade.

On se croirait dans une kermesse de village, dans une fan zone de Coupe du Monde. Ça lève les coudes dans tous les sens. Ça se gratte le pif avec le gobelet de sa bière. Ça mange son sandwich fricadelle en calant son godet contre son avant-bras. Ça craque du fumi la clope au bec. Bref, c’est la fête de la Sainte-Barbe et tout le monde commence à être chaud comme une baraque à frite.

 

  • Fiers de Lens | Lens v Dijon

 

Sur la route de Dijon,
la belle diguedi,
la belle diguedon.

À 30 minutes du coup d’envoi, on se dit qu’on ferait mieux de bouger notre cul à La Loco si on souhaite au moins voir le match à la téloche. Et alors que nous commençons à tourner le dos à Bollaert, nous croisons deux supporters dijonnais qui font tilt dans nos caboches. Si nous n’arrivons pas rentrer avec les Lensois, essayons de voir si nous pouvons du côté de Dijon ! Nous apprenons en plus que les supporters du DFCO seraient venus en plus petit nombre que prévu et que nombreuses places pourraient être disponibles. L’espoir dijonnais nous monte au nez.

Sur la route de Dijon, la belle diguedi, la belle diguedon, nous rencontrons deux autres supporters bourguignons qui s’avèrent être en fait Lillois. Les mecs ont réservé leurs billets sur internet pour vivre le match en terre ennemie. Nous nous pointons alors devant les stadiers en expliquant que nous avons réservé quatre billets mais que nous avons seulement reçu la confirmation pour deux. Les gaziers ne cherchent pas trop à comprendre et nous laissent gentiment rentrer, sans avoir à régler le moindre centime.

Il est 21h15 quand on pénètre enfin dans la marmite lensoise après une petite blague à la sauce dijonnaise des CRS. On a loupé un paquet de trucs mais on a le sourire jusqu’aux oreilles. Quelle joie d’être là et de vivre au plus prêt l’émulation collective d’une passion. De découvrir ce si beau stade à l’anglaise, cette tribune Marek dont le cœur bat à l’unisson et de laquelle résonne de puissants chants nourris d’espoir. Celui d’un retour au sommet pour tout un peuple qui le mérite tant il porte en lui les si belles valeurs d’un football populaire et festif.

 

  • Fiers de Lens | Lens v Dijon

 

Une ambiance de malade
jusqu’à l’égalisation

En première mi-temps, ça chante parfois très fort, ça pousse sur les corners, ça siffle l’adversaire et tout particulièrement ce brave Balmont. On sent qu’il manque juste un petit but pour que tout ce stade parte en cacahuètes. Ce qui arrive dès le retour des vestiaires sur un plat du pied du petit Bellegarde. Chaos énorme en tribune. Il y a plus de drapeaux qu’à l’Eurovision. La Marek est en feu et tout Bollaert se met à reprendre les chants de manière plus ou moins synchronisée, créant un écho sublime, confus et massif. C’est le quart d’heure américain.

Malheureusement pour les boyaux rouges, Dijon pousse et l’ambiance retombe en tribune. On commence à avoir du mal à imaginer Dijon terminer cette rencontre sans marquer un but. Un truc dégueu en contre, à dix minutes de la fin. Et en effet, à la 81ème, Dijon égalise sur un piqué de Kwon, validé par la VAR. Évidemment, grosse explosion bourguignonne. Les supporters placés en hauteur se réveillent et accompagnent enfin le bloc des Lingon’s Boys, bien en forme depuis le début de la rencontre. Côté Lensois, l’égalisation calme la motivation des troupes et malgré quelques petites gueulantes, on regrette que tout le stade ne se mette pas à tout donner pour voir leurs joueurs inscrire un 2ème but.

À la fin du bal, Lens et Dijon se séparent sur un 1-1 plus ou moins mérité qui offre un léger avantage aux Dijonnais pour le retour. En parcage, nous n’avons plus qu’à attendre que le stade se vide. J’ai l’estomac qui crie famine et espère qu’une friterie aura eu la bonne idée de faire des heures supp’. L’attente est longue et certains demandent un dernier morceau en entonnant le célèbre ban bourguignon « lala lala lalalalaa lalère ». 45 minutes plus tard, nous quittons le stade, épuisés mais bien heureux d’avoir vécu une sacrée aventure aujourd’hui. Dans deux grandes salles de bal, l’une cht’i, l’autre bourguignonne, séparée par 480 km de distance mais animée d’une même passion. Celle des supporters qui vivent un amour inconditionnel pour un blason et un club. En nous éloignant du stade, nous réussissons à nous taper la cerise au bar La Mi-Temps, où un barbecue improvisé dans l’arrière cour nous permet de terminer la soirée de toute beauté. En nous envoyant un bon sandwich-mergez-ketchup-moutarde dans le coaltar.

 

  • Fiers de Lens | Lens v Dijon

 

🍔 La Mi-Temps
24 route de Béthune
62300 Lens

 

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Date30 mai 2019
PhotographeDorian Beaune
VilleLens
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