Dans un département des Bouches-du-Rhône acquis depuis longtemps à la cause marseillaise, se trouve un petit village où d’irréductibles supporters entretiennent avec fierté leur identité provençale et leur passion martégale depuis bientôt 20 années. Alors que le FC Martigues en avait fini avec son âge d’or, les Maritima Supra ont en effet décidé à la fin des années 90 de venir redonner de la voix et des couleurs de fête à un stade Turcan qui en avait besoin. Alors, ce samedi matin en montant dans la DeLorean de mon frangin, c’est le cœur battant l’escapade et fuyant l’arrivée d’un temps maussade, que nous partons pour un voyage à la conquête de la chaleur provençale. Mais aussi et surtout, pour un voyage dans le temps et dans l’histoire, de ce drôle de village aux couleurs sang et or.

 

« Les estomacs rassasiés et les burlingues regonflées à bloc, nous pouvons
à présent flâner dans les ruelles et les dédales de la Venise provençale. »

Quatre heures de trimard et un demi litre de Red Bull plus tard, nous traversons enfin le viaduc de Martigues et entrevoyons au loin, ensoleillés et plantés à quelques encablures des ports à flots, les tribunes et les projecteurs du stade Francis Turcan. Une fois nos baluchons déposés à l’hôtel, où je découvre tout sourire que la vue de notre piaule donne directement sur le stade, nous partons dans le centre historique de la ville pour becqueter quelque chose. Car si le football est la finalité de cette nouvelle bourlingue, il est aussi le parfait prétexte pour reprendre un peu de rab estival sous le soleil provençal. Alors face à toutes ses terrasses radieuses qui s’offrent à nous, nous ne tergiversons pas bien longtemps pour faire chauffer les zygomatiques à l’aide de belles seiches à la plancha et d’un bon blanc de Provence.

Les estomacs rassasiés et les burlingues regonflées à bloc, nous pouvons à présent flâner dans les ruelles et les dédales de la Venise provençale. Nous longeons le Canal de Caronte qui relie l’Étang de Berre à la Méditerranée, et tombons nez à nez sur Bourvil et Fernandel ou plutôt sur leurs statuts de bronze rendant hommage à ce grand film de l’époque, « La cuisine au beurre », tourné à Martigues en 1963. Quelques instants plus tard, fouettés par le mistral, nous poussons la porte usée du « Bar des halles », où Patrick bien seul en ce milieu de journée, semble nous avoir toujours attendus. Supporter de l’OM, ce quinquagénaire à l’accent des cigales, se rappelle de la montée de Martigues en D1. S’il s’en souvient, c’est surtout parce que c’était au lendemain de la grande victoire marseillaise en Ligue des Champions. C’était bien évidemment au terme de la saison 93. Le FC Martigues accéda enfin à la D1 où ils resteront durant 3 belles saisons.

 

 

« Les irréductibles supporters martégaux sont bien là, regroupés devant les portiques de leur beau village,
prêts à entrer et soutenir leurs joueurs pour ce joli choc. »

À 30 minutes du coup d’envoi, difficile de se dire qu’un match de football débutera bientôt à quelques pâtés d’olives d’où nous sommes. Il est évident que le football martégal ne déplace plus les foules et que le cœur des habitants bat avant tout pour l’OM, à l’image de tous ces stickers collés sur les gouttières de la ville ou de ces visages stupéfaits lorsqu’on raconte que nous venons de Saint-Étienne pour voir jouer Martigues. Pourtant, en nous rapprochant du stade, après avoir enchainé les gueuzes à défaut de pouvoir tremper nos lèvres dans un bon pastagua – que le patron refuse de servir hors apéro – ce sont bien des écharpes et des survêtements aux couleurs provençales que nous apercevons enfin et ce sont bien des haut-parleurs que nous entendons au loin. Les irréductibles supporters martégaux sont bien là, regroupés devant l’entrée de leur beau village, prêts à se mettre en transe pour soutenir leurs joueurs pour ce joli choc du groupe C de National 2.

Alors nos billets en poche, nous entrons nous aussi à l’intérieur par cette tribune Paradis qui reste à ce jour la seule tribune couverte du stade Francis Turcan. Inauguré en 1965, celui-ci a été rénové en 93 et trois autres tribunes se sont dressées pour accueillir jusqu’à 11 500 spectateurs assis. Rapidement, nous tombons sur Christophe, président des Maritima Supra, qui nous propose de le suivre pour rejoindre sa guitoune. Formé d’une quinzaine de personnes, les Supra ont en effet un accès privilégié à l’une de ses tribunes construites au lendemain de la montée en D1. Aujourd’hui, deux d’entre-elles sont fermées mais la troisième, faisant face à l’officielle et tournant le dos au port, est donc garnie de ces quelques fervents supporters aux couleurs sang et or.

 

 

« L’histoire se termine autour d’un gargantuesque banquet final,
où avinés jusqu’aux os, nous nous délectons d’un couscous royal. »

Cette tribune Canal offre une vue imprenable sur le terrain, et du haut de celle-ci, je suis heureux d’assister aux spectacles qui s’offrent sous mes yeux. Car il y a bien évidemment les 22 joueurs qui s’agitent et se font face, mais aussi ce petit groupe de supporters qui agitent ses drapeaux et ses écharpes dans une ambiance familiale. Il est évident que je n’ai pas devant moi la plus grosse ambiance de France, ou les tambours les mieux rythmés de France, pourtant, tout au long du match, je ne peux m’empêcher de me dire que ces gars-là imposent le respect. Car si Christophe et sa bande semblent parfois un peu seuls à beugler dans cette tribune ouverte où l’on prend en pleine poire le mistral, on sent en eux cette grande fierté de hisser haut les couleurs martégales.

En quittant le stade, après une belle victoire des locaux, j’ai même cette curieuse impression de quitter un bistrot. Un bistrot dans lequel d’irréductibles supporters vivent et entretiennent depuis presque 20 ans, leur passion et leur amour pour ce club unique du sud de la France. Alors, comme un village qu’on quitterait sans retour, c’est une écharpe des Maritima Supra sous le bras et un drapeau provençal offert par un supporter que je repars. L’histoire se termine autour d’un gargantuesque banquet final, où avinés jusqu’aux os, nous nous délectons d’un couscous royal. Le lendemain, la casquette plombée sur le crâne et après un court passage à Avignon, il est temps pour nous de remonter dans notre DeLorean et de retourner dans notre époque d’origine, celle où la pluie battante de l’automne actionne nos bruyants essuie-glaces.

 

 

Photos et texte de Gustave.

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Date10 octobre 2020
VilleMartigues (Stade Francis Turcan)
PhotographeGustave
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