Voilà un moment qu’Émile Albeau et Louis Dugauguez me tendaient les bras, que j’entendais Woinic grogner du haut de son aire d’autouroute, « viens par là mon gazier, on va te montrer toute la beauté du football ardennais ». Alors quand j’appris que les Young Boys célébraient leur 15ème anniversaire, je n’ai pas hésité une seconde à monter dans un train, pour plonger dans l’histoire de cette ville et de son club qui ont certes perdu de leur éclat mais où la ferveur populaire est encore bien là.

 

« Clément, habitué des tribunes de Dugauguez
m’embraque dans son taxi à destination de Sedan. »

Après 1h de train puis 2h de car en provenance de Paris, c’est en battant la semelle que j’arrive enfin à Charleville. Accompagné de mon vélo, je déambule sans plus attendre à la conquête de la cité de Rimbaud. Je m’arrête tout d’abord au stade du Petit-Bois, célèbre pour son style art déco et ses arrivées d’étapes du tour de France dès 1927. Mais au delà du cyclisme, ce fut avant tout l’antre de l’Olympique de Charleville, club ayant connu son apogée dans les années 30 avec notamment une finale de coupe de France en 1936 et un passage en D2 entre 1992 et 1997. Aujourd’hui, si le club végète en sixième division et que son stade a perdu de sa résonance, il n’en reste pas moins un incontournable de tout groundhopper de passage dans les Ardennes, pour son histoire et son architecture à l’image des magnifiques bas-reliefs qui ornent son entrée.

Sur les coups de midi, après un rapide tour dans le centre ville de Charleville, Clément, habitué d’Albeau et de Dugauguez et membre de la page Sedan Working Football, me récupère à mon Formule 1 et m’embarque dans son taxi à destination de Sedan. En chemin, il me fait découvrir le stade Roger Marche du nom de l’ancien footballeur international français des années 50. Cet enfant du pays surnommé le « sanglier des Ardennes » par la presse parisienne, débuta sa carrière dans ce stade qui était alors celui du club de Mohon, avant de remporter de nombreux titres avec le Stade de Reims et de détenir jusqu’en 1983, le plus long record de sélections sous le maillot bleu. Il a même longtemps tenu un bar, le Café des Sports à Charleville, où sont encore visibles les traces de son passage. Mais malheureusement les portes sont closes en ce samedi après-midi.

📍 Stade Roger Marche
Route Nationale
08000 Villers-Semeuse

 

 

« Quand notre équipe va marquer, tout le parcage va s’enflammer.
Des verts et rouges va s’élever, la chanson des sangliers. »

Quelques minutes plus tard, Clément stoppe son tacos dans le centre de Sedan où nous tombons nez à nez sur l’arche aménagée à l’entrée de la rue Gambetta portant la fameuse devise de la ville, Undique Robur, Force de toute part. L’instant d’après nous voilà enfin le cul posé au pied du plus grand château fort d’Europe, avec entre les mains un autre monument de Sedan. Un énorme casse-dalle de la Friterie Jacqueline qui me permettra sans doute de mieux supporter le poids à venir de cette grande aventure. Car la suite c’est un énorme banquet d’anniversaire dans un bar du centre ville, garni d’une belle troupe de sangliers. Tous sont venus cet après-midi s’aplatir le boutoir et célébrer leurs 15 piges sur de grandes tablées posées sur le trottoir. Il y a bien évidemment une grande majorité de Young Boys mais aussi des plus anciens comme Mister Fab ayant appartenu aux Bulldogs, le premier groupe « ultras » de Sedan.

À une heure du coup d’envoi et sous un soleil de plomb dont beaucoup de Sedannais ont bien du mal à supporter, les Young Boys se regroupent derrière leur nouvelle bâche et se lancent dans un cortège bruyant en direction du stade. Celui-ci s’agrémente de fumigènes et prend des allures encore plus festive quand le groupe passe devant une belle haie d’honneur de pots de fumées rouges et verts, formée par les membres du KVR.

 

 

« Écoutez raisonner le chant du peuple ardenais,
et nous chantons fièrement notre amour pour Sedan. »

Quelques instants plus tard, la tribune Honneur ressemble à une véritable fourmilière. Chaque membre du groupe s’active pour sortir dans le meilleur tempo la pièce montée de cet anniversaire. Une voile de 90 m de long qui fera resplendir, à l’entrée des joueurs, 15 ans de ferveur et de fidélité pour ce blason frappé d’un seul et même sanglier. Le rendu est plus que réussi et des fumigènes viennent parachever ces plusieurs mois de travail et donner le top départ des réelles festivités. Car à partir de cet instant, dans toutes les têtes des Young Boys, le gros du boulot a été fait. Il est désormais temps de profiter réellement de ce quinzième anniversaire. Alors ça chante et ça beugle sans relâche, ça claque des mains et même des godasses, ça sort du calicot et agite des drapeaux pour colorer au mieux cette tribune Honneur et hisser haut la fierté de leurs couleurs.

Au coup de sifflet final, les joueurs sedannais viennent immortaliser cette belle soirée, qui aurait encore eu plus fière allure si ces derniers avaient remporté la rencontre (1-1). Mais qu’importe, le football n’est aujourd’hui qu’un détail à côté de cet anniversaire qui se prolonge là où il avait débuté plus tôt. Dans ce bar qui ressemble à celui d’un local de supporters où sans m’en rendre compte et sous les innombrables bières que je tombe, je commence à devenir rôti comme un sanglier. Plus aucune voyelle ne sorte de ma bouche et pourtant c’est à cet instant et devant une assemblée de plus en plus réduite, que je décide de renter à Charleville. Cinq ou six heures de marche et de détours plus tard, un paysan sortant d’un champ accepte, à l’entrée de Charleville, de me ramener à mon Formule 1, où je peux enfin foutre un coup de tête plus que mérité à mon oreiller.

 

 

« Un de ces quatr’ nous tomberons ensemble
Moi j’m’en fous c’est pour Bogny que je tremble. »

Au réveil, j’ai les mollets et les pieds complètement mijotés mais pour rien au monde je laisserai tomber mes plans de la journée. Alors, porté par ce qu’il me reste de courage et cette envie de découvrir un nouveau stade, j’enfourche ma petite reine et longe les collines verdoyantes de la Vallée de la Meuse pour rejoindre Bogny. Là-bas, dans ce stade Pierre Malicet qui a fière allure, je me délecte tout en somnolant contre un arbre, d’un bon match du second tour de la coupe de France. Un match au terme duquel les locaux se qualifient même pour le 3ème tour où ils joueront d’ailleurs au stade du Petit-Bois contre l’Olympique de Charleville. Sur le chemin du retour, dopé à l’Oasis tropical, je retrouve la gare de Charleville pour rejoindre enfin la capitale. Dans le train, retrouvant un semblant d’énergie, j’essaye de me remémorer cette drôle de fin de soirée. Je me vois faire du stop puis me rendre compte que je pars dans la mauvaise direction. Je me vois traverser des morceaux de forêts et de champs en me disant que je suis vraiment con. Mais aujourd’hui, en écrivant cet article, je préfère me dire que cette aventure était grandiose et que parfois, tout simplement, l’ivresse de notre passion nous fait complètement perdre la raison.

📍 Stade Pierre Malicet
Rue de la plaine des sports
08120 Bogny-sur-Meuse

 

 

Photos et texte de Gustave.

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Date12 septembre 2020
VilleSedan (Stade Louis Dugauguez)
PhotographeGustave le populaire
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